« En Europe, le risque de la fragmentation partisane est politique, économique et stratégique »

La montée rapide et généralisée des partis populistes a bouleversé le paysage politique des deux côtés de l’Atlantique. Mais ses effets sont clairement distincts du fait de la différence des systèmes électoraux.

Aux Etats-Unis, l’élection présidentielle américaine met en évidence une polarisation politique poussée à l’extrême, qui s’exprime dans un affrontement de plus en plus brutal entre républicains et démocrates. Elle reflète une « polarisation de la réalité », pour reprendre l’expression de l’économiste Stefanie Stantcheva : les Américains sont divisés, non seulement dans leurs opinions politiques, mais aussi dans leurs perceptions de la même réalité factuelle, qu’il s’agisse des inégalités, de la fiscalité, de l’immigration ou des politiques publiques. Les choix politiques et les interactions économiques sont de plus en plus perçus comme un jeu à somme nulle : l’amélioration du sort des uns ne peut se faire qu’au détriment des autres.

Si cette polarisation est aussi à l’œuvre en Europe, et particulièrement en France, elle ne se fait pas selon une logique binaire. La principale conséquence de la montée du populisme dans la plupart des pays européens est une fragmentation croissante, que l’on observe aussi à l’échelle de l’Union européenne (UE). Il faut de plus en plus de partis pour former des coalitions gouvernementales. Par conséquent, les gouvernements sont moins stables et leur cohésion interne est affaiblie. Cela rend la prise de décision plus complexe et plus longue, surtout dans des pays qui n’ont pas d’expérience des gouvernements de coalition. Le débat sur le budget en France en est un exemple évident.

L’Italie, un « laboratoire »

Le risque de cette fragmentation européenne est politique, économique et stratégique. Politique, parce que l’incapacité de décider accroît l’insatisfaction populaire et nourrit le populisme, qui à son tour renforce la fragmentation politique ; la séquence de la dissolution de l’Assemblée nationale en France en témoigne. Economique, parce que l’incertitude politique conduit les acteurs économiques à différer leurs investissements, ce qui pèse sur la croissance. Stratégique, parce que l’incapacité de décider nous affaiblit face aux autres puissances. Un système européen fragmenté aura plus de difficultés à répondre non seulement aux régimes autoritaires, mais aussi à des Etats-Unis disposant d’un gouvernement unifié appliquant un programme radicalisé par la polarisation interne.

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