Deux frères agriculteurs et deux visions du métier : « C’est ridicule de se faire la guerre »

L’aîné, Florian, 40 ans, dit être « tombé dedans ». Depuis gamin, il n’aspirait qu’à ça : reprendre la ferme familiale d’Apprieu (Isère). Au contraire du cadet, Marc-Alban, 29 ans, qui, lui, boudait les travaux de la ferme et avait juré à leur père que « jamais [il] ne ferait ce métier de con ». « T’es pauvre, tu travailles tout le temps, pas de vacances, pas de ciné, pas de restau et les gens te méprisent », se remémore aujourd’hui celui qui, au collège, s’était battu pour s’être fait traiter de « fils de cul-terreux puant la merde ». Lui était davantage préoccupé par la disparition des lucanes cerfs-volants et des châtaigniers alentour.

Des années plus tard, c’est avec la même passion que les deux frères Reynaud-Dulaurier parlent de ce métier qu’ils ont, contre toute attente, l’un et l’autre embrassé. Leurs trajectoires, aussi dissemblables que leurs installations, racontent les mutations du monde paysan et les défis considérables auxquels les agriculteurs se trouvent confrontés, quel que soit leur modèle.

Premier arrêt à la ferme de Terre, à Montoison, dans la Drôme. C’est ici, dans ce département pionnier du bio en France, que Marc-Alban – qui s’était initialement orienté en fac pour devenir prof d’EPS – s’est installé pour de bon comme maraîcher, il y a deux ans. Ses premières prises de conscience environnementales, il les doit « à l’école » : le documentaire Home, de Yann Arthus-Bertrand, visionné en 3e, notamment – « C’était dur, j’ai flippé. » Des lectures et plusieurs formations autodidactes plus tard, le voici décidé à bifurquer. « Avec l’agroécologie, j’avais une solution concrète pour agir, faire en sorte que la décroissance soit la moins subie possible », dit-il, conscient également du besoin criant de bras en agriculture.

« Rendements équivalents »

Des convictions qui animent également ses associés, tous deux reconvertis : Laurent Brondel, 32 ans, centralien et ancien auditeur financier, et Florent Ruiz, 39 ans, ancien chef de projet dans l’éolien. Ainsi que Camille Mathon, 31 ans, ouvrière agricole. Forts de leurs compétences complémentaires et de leur bonne entente, les quatre veillent à l’équilibre de l’entreprise aussi bien qu’à celui de leur vie. Ils travaillent dur, mais pas question pour autant d’y laisser leur santé ni de se priver de vacances.

Ensemble, ils réfléchissent à la meilleure façon de tirer parti des écosystèmes pour redonner au sol sa capacité naturelle à produire – le principe du maraîchage sur sol vivant. Les engrais sont organiques – de la fiente de poules bio mélangée avec du compost de déchets verts. Autour des parcelles : des bandes fleuries, des haies, des perchoirs. Et à l’intérieur : l’introduction d’insectes pour lutter contre les nuisibles (appelé « lutte biologique intégrée »). « Aucun phyto hormis, si vraiment nécessaire, de l’anti-limaces », précise Marc-Alban.

Il vous reste 64.98% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.