Selon les conclusions préliminaires de l’enquête menée par Azerbaijan Airlines, le crash de son avion de ligne Embraer 190, mercredi au Kazaksthan, ayant fait 38 morts, est dû à une « interférence externe, physique et technique », a affirmé la compagnie sur Telegram, vendredi 27 décembre, sans plus de détails. Elle a aussi annoncé la suspension des vols vers plusieurs villes russes, en raison de « risques pour la sécurité des vols », sans davantage de précisions.
Au vu d’un faisceau d’indices visuels et de témoignages de rescapés de l’avion – parti de Bakou et qui s’est écrasé dans une zone à l’opposé de sa route initiale –, des experts et médias internationaux estiment toutefois que l’appareil a été pris pour cible par erreur, au-dessus de Grozny (Fédération de Russie), en Tchétchénie, qui était sa destination initiale, par un missile de la défense antiaérienne russe, avant de réussir à voler et s’écraser au Kazakhstan, de l’autre côté de la mer Caspienne.
Aucun des pays impliqués n’a pour l’heure publiquement confirmé l’hypothèse du missile. Contacté par l’Agence France-Presse (AFP), le gouvernement azerbaïdjanais n’a pas répondu. « Une enquête est en cours pour établir si c’était une frappe de la défense antiaérienne russe ou une autre cause », a toutefois déclaré à l’AFP le député Rassim Moussabekov, soulignant qu’« on voit sur les photos et les vidéos le fuselage de l’avion avec des trous qui sont causés normalement par des missiles de défense antiaérienne ». Il a appelé la Russie à s’excuser, « punir les coupables et promettre qu’une telle chose ne se reproduira plus », reprochant à Moscou d’avoir redirigé après l’incident l’avion vers le Kazakhstan.
Refus de l’autorisation d’atterrir à Grozny
Selon les informations du Monde, une influente chaîne Telegram russe, VChK-OGPU, a publié jeudi une transcription partielle des échanges entre les pilotes du vol J2-8243 et un aiguilleur du ciel basé à Grozny, qui n’est donc pas authentifiée. Il en ressort que l’appareil s’est vu à plusieurs reprises refuser l’autorisation d’atterrir pour une raison inconnue, mais peut-être liée à un épais brouillard. Le commandant du vol signale avoir perdu le signal GPS. Il prend la décision de retourner à Bakou. A cet instant – il est alors 8 h 16 –, il rapporte un choc violent, qu’il attribue à une collision avec des oiseaux. Il signale, tout de suite après, des difficultés à contrôler l’appareil et une détérioration du système hydraulique.
Le pilote réclame à plusieurs reprises l’autorisation de se poser dans deux aéroports russes voisins, à Mineralnye Vody (à 240 kilomètres), puis Makhatchkala (à 140 kilomètres). La suite du dialogue n’est pas connue. Du sang sous un siège témoigne de blessures probablement reçues par au moins un passager, peut-être dues à un projectile ayant traversé la carlingue. « Des éclats d’obus » ont traversé la carlingue, confirme un passager survivant du vol, interrogé par la chaîne d’Etat russe RT (ex-Russia Today). L’homme, qui se présente sous le nom de Zaour Mamedov et qui était assis à l’arrière de l’appareil, raconte avoir entendu « deux grosses explosions sur l’avion » qui ont « provoqué une grosse panique ».
Des images de la partie arrière de la carlingue montrent de nombreuses perforations. Quatre sources gouvernementales azerbaïdjanaises ont confirmé à l’agence Reuters que l’enquête a déjà identifié l’arme ayant tiré sur le vol J2-8243. Il s’agirait du système antiaérien russe Pantsir-S, selon des experts interrogés notamment par Le Monde.
Moscou se refuse à tout commentaire
La Russie a confirmé que Grozny était la cible, le jour de la tragédie, d’une attaque de drones ukrainiens, comme cela arrive depuis le début de la guerre en février 2022. Mais face à la mise en cause de la responsabilité de Moscou, le Kremlin s’est refusé vendredi à tout commentaire « avant les conclusions de l’enquête ». L’agence russe de l’aviation, Rosaviatsia, a, elle, expliqué que la situation à l’aéroport de Grozny ce jour-là était « très difficile ».
« A ce moment-là, des drones militaires ukrainiens menaient des attaques terroristes contre des infrastructures civiles dans les villes de Grozny et Vladikavkaz », a déclaré son patron, Dmitri Iadrov, sur Telegram. Il a aussi fait état d’un « brouillard épais » qui empêchait toute visibilité « à une altitude de 500 mètres ». « Le commandant de bord a fait deux tentatives d’atterrissage à Grozny, qui ont échoué. D’autres aéroports lui sont proposés. Il décide de se rendre à l’aéroport d’Aktaou », au Kazakhstan, a ensuite affirmé M. Iadrov.
M. Iadrov a assuré que la Russie entendait « coopérer totalement à l’enquête sur cette tragédie » avec le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan, deux ex-républiques soviétiques en bons termes avec Moscou. Le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak, a de son côté directement accusé Moscou, assurant que la Russie doit être « tenue responsable pour avoir abattu l’avion d’Azerbaijan Airlines ».
Azerbaijan Airlines avait affirmé dans un premier temps que l’avion avait percuté une nuée d’oiseaux, avant de retirer cette information, version à laquelle s’en tiennent encore les médias d’Etat russes et Rosaviatsia. Le ministère des transports kazakh avait ensuite évoqué jeudi l’« explosion d’un ballon » à bord.
L’appareil, un Embraer 190 d’Azerbaijan Airlines avec 67 personnes à bord, assurait mercredi un vol entre Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, et Grozny. Il s’est écrasé et a pris feu dans des circonstances encore floues près d’Aktaou, un port de la mer Caspienne situé dans l’ouest du Kazakhstan. A bord de l’appareil se trouvaient 37 Azerbaïdjanais, 6 Kazakhs, 3 Kirghizes et 16 Russes, ainsi que 5 membres d’équipage, selon le ministère kazakh des transports. 29 d’entre eux ont survécu.