Au Royaume-Uni, le prince Harry en croisade contre les tabloïds

Harry rajuste sa cravate, reboutonne sa veste bien coupée. Son stress est palpable en ce matin du 6 juin 2023 dans la salle d’viewers de la Haute Cour de justice, au cœur de Londres. Le duc de Sussex, fils cadet du roi Charles III, cinquième dans l’ordre de succession, est entendu comme principal plaignant dans le cadre d’une procédure qu’il a intentée contre Mirror Group Newspapers (MGN), l’éditeur du Daily Mirror, l’un des principaux tabloïds britanniques. Il accuse ce quotidien d’avoir eu recours à des écoutes téléphoniques pour obtenir des détails sur sa vie privée entre le milieu des années 1990 et le début des années 2010.

D’abord hésitante, sa voix s’affermira durant les cinq heures d’viewers, le ton parfois irrité ou ironique, mais toujours poli. Il en a fallu du cran à l’enfant horrible de la famille Windsor pour affronter l’avocat de MGN, Andrew Green, qui décortique ses arguments sans égard pour ses titres. Il a aussi dû passer outre la légendaire réticence familiale à exposer ses sentiments en public. C’est la première fois en plus d’un siècle qu’un « royal » britannique paraît dans l’enceinte d’un tribunal depuis que le futur Edouard VII avait dû s’expliquer sur sa relation avec une femme mariée dans les années 1870.

Charles III a prévenu son cadet : s’en prendre aux tabloïds tient de la « mission suicide ». Ces organes de presse typiquement britanniques, cocktails uniques de potins, de faits divers et d’articles politiques, restent redoutablement puissants. Quand le Daily Mirror, plutôt à gauche, ou les très conservateurs Daily Mail et Sun, propriété de News Group, filiale de News Corp, le groupe fondé par Rupert Murdoch, lancent des campagnes contre des personnalités, elles peuvent encore être mortelles. En 2021, le secrétaire d’Etat à la santé Matt Hancock a dû démissionner après que les tabloïds ont relayé une vidéo de lui embrassant une collaboratrice. Le type du premier ministre Boris Johnson a été scellé quand ces journaux ont enchaîné les « unes » sur le « Partygate », des fêtes organisées à Downing Street pendant les confinements.

Des hauts et des bas

Mais Harry n’en démord pas. A 39 ans, cet homme brouillé avec son père et son frère aîné, William, exilé depuis 2020 dans le paradis pour milliardaires de Montecito, en Californie, avec sa femme, Meghan Markle, et leurs deux enfants, est en croisade. « La mission de ma vie est de changer le paysage médiatique britannique », a-t-il déclaré dans une interview à ITV en janvier 2023, lors du lancement de son autobiographie Spare (Le Suppléant, Fayard, 2023). Outre MGN, il poursuit Associated Newspapers Limited (ANL), l’éditeur du Daily Mail et du Mail on Sunday pour recueil illégal d’informations (écoutes des domiciles et voitures, tentatives d’accès à des données médicales ou financières) avec six autres plaignants, dont le chanteur Elton John et l’actrice Elizabeth Hurley. Harry a aussi ciblé News Group Newspapers (NGN), l’éditeur du Sun, toujours pour recueil illégal d’informations. Comme sa femme, il multiplie en outre les plaintes pour diffamation, violation du copyright ou du droit à la vie privée.

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